Les femmes entrepreneures du Nord sont confrontées à des obstacles sociaux, culturels et géographiques distincts : cheffe de la direction de PARO
Pour éliminer les obstacles qui les empêchent de prospérer, il faudra revoir les systèmes de financement pour qu'ils reflètent la façon dont les femmes créent et gèrent leurs entreprises dans le Nord, dit Rosalind Lockyer.
L'égalité des femmes a reçu un coup de pouce dans le budget fédéral de cette année, le gouvernement s'étant engagé à fournir un financement stable de 660,5 millions $ sur cinq ans au ministère de la Condition féminine et de l'Égalité des genres.
Maintenant, le gouvernement doit donner un coup de pouce similaire à sa Stratégie pour l'entrepreneuriat féminin afin qu'elle puisse remédier aux lacunes en matière de financement et de politiques qui touchent les femmes cheffes d'entreprise dans le Nord du Canada.
Les femmes entrepreneures du Nord sont confrontées à des obstacles sociaux, culturels et géographiques distincts. Pour éliminer ces obstacles, il faudra des approches innovantes en matière de financement et de politiques fédérales qui tiennent compte des réalités uniques auxquelles elles sont confrontées.
Le Centre PARO pour l'entrepreneuriat féminin au Canada a récemment réuni des femmes cheffes d'entreprise et des travailleuses autonomes du Yukon pour parler des enjeux et des solutions possibles.
Cette rencontre faisait partie d'une série de tables rondes organisées par le PARO dans plusieurs villes du pays, dont Whitehorse, Vancouver, Calgary, Toronto, Ottawa et St. John's, pour trouver des moyens d'aider les femmes entrepreneurs à prospérer. On publiera un rapport sur nos conclusions l'année prochaine.
Les participantes à Whitehorse ont identifié les principaux obstacles sociaux et culturels qui les empêchent d'accéder au financement des entreprises.
Trop souvent, elles se heurtent à des politiques qui ne tiennent pas pleinement compte de la réalité de l'entrepreneuriat féminin.
Beaucoup de femmes entrepreneures dans le Nord gèrent de petites entreprises ou sont indépendantes, travaillant dans les arts, le conseil, les entreprises sociales ou le bien-être, des activités qui ne répondent souvent pas aux critères d'éligibilité des subventions et des prêts traditionnels.
Beaucoup travaillent à temps partiel tout en s'occupant de leurs enfants ou de leurs parents âgés, ce qui les désavantage lorsqu'elles demandent des financements qui favorisent souvent les entreprises à temps plein capables de se développer rapidement.
Les nombreux documents à fournir pour les demandes de subvention ou de prêt sont souvent trop lourds pour les propriétaires de petites entreprises qui travaillent à temps partiel ou qui sont seules.
Une forte aversion culturelle et émotionnelle pour les prêts, qui vient d'un passé de racisme systémique dans les institutions financières, décourage aussi les femmes entrepreneures autochtones de faire des demandes.
Les femmes du Yukon ont dit avoir peur de se voir refuser des prêts, s'inquiéter de leurs antécédents de crédit et se sentir mal à l'aise à l'idée d'être liées à des délais de remboursement rigides, vu l'imprévisibilité de la vie familiale et des flux de trésorerie.
Beaucoup ont aussi souligné les préjugés systémiques de la société, qui ne prend toujours pas au sérieux les entreprises détenues par des femmes, les considérant comme un simple passe-temps qui ne mérite pas d'être financé.
Les femmes entrepreneures du Nord doivent aussi faire face à des obstacles géographiques importants, notamment le coût élevé de la vie et des affaires dans cette région, l'accès limité aux fournisseurs, les distances plus longues vers les marchés, les possibilités limitées de formation et de mentorat et les difficultés d'accès aux infrastructures de base comme le logement, l'éducation et les services de santé.
Trouver des moyens de mieux soutenir les femmes entrepreneurs, y compris celles du Nord, est essentiel à la prospérité économique du Canada, étant donné qu'elles génèrent plus de 90 milliards $ de revenus annuels et emploient près d'un million de personnes.
Au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, les entreprises détenues par des femmes représentent environ 23 % de l'ensemble des entreprises, fournissent des services essentiels et contribuent aux résultats économiques des territoires.
Pour éliminer les obstacles qui les empêchent de prospérer, il faudra revoir les systèmes de financement pour qu'ils reflètent la façon dont les femmes créent et gèrent leurs entreprises dans le Nord.
Les critères d'admissibilité pour mesurer le succès des décisions de financement doivent aller au-delà de la taille et du nombre d'employés pour inclure des indicateurs qualitatifs comme l'impact social, l'engagement communautaire et les résultats en matière de bien-être.
Les types d'entreprises admissibles aux subventions doivent être élargis pour inclure les services de consultation, les entreprises individuelles dans le domaine du bien-être, l'éducation et les entreprises à temps partiel.
Les prêts et subventions gouvernementaux doivent être repensés pour assouplir les conditions de remboursement des prêts et augmenter les options de subventions non remboursables.
Les exigences en matière de rapports sur les subventions doivent être simplifiées pour tenir compte des capacités des propriétaires de petites entreprises et permettre des rapports narratifs et basés sur l'impact, comme des récits ou des résultats, plutôt que de se limiter à des mesures de performance.
Davantage de ressources éducatives devraient être proposées par le biais d'un centre d'apprentissage pour les femmes entrepreneurs, qui offre des formations à faible coût ou gratuites dans des domaines tels que la littératie financière, le marketing numérique et les bases juridiques des affaires.
Il faudrait aussi un portail en ligne qui donne facilement accès à des outils, des modèles, des formations enregistrées et des conseils pour demander des subventions, avec des ressources spécialement conçues pour les femmes qui bossent à leur compte et les femmes autochtones.
Les femmes entrepreneures devraient être des partenaires à part entière dans le développement de ces aides.
Les femmes entrepreneures du Nord canadien ne demandent pas l'aumône. Elles veulent juste des systèmes qui les aident, et non qui les freinent.
Il est temps que le gouvernement fédéral adopte des solutions innovantes en matière de financement et de politiques qui reconnaissent et répondent aux réalités des femmes entrepreneurs du Nord.
